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Débat d’un impact considérable : Un génocidaire demande pardon aux rescapés, une survivante ne reste pas indifférente face à l’humilité de ce premier et lui pardonne. Témoignages émouvants sur la réconciliation des 2 Jeanne : une survivante du génocide Tutsi et sa voisine dont le papa a avoué sa culpabilité pour les actes de génocide… Ce débat s’inscrit dans le cadre du projet MERCIDD financé par l’Union Européenne.

Synthèse du débat communautaire

En partenariat entre Panos et l’Association Rwandaise des Femmes des Médias (ARFEM) un débat communautaire a été organisé dans le district de Kamonyi en Province du Sud du Rwanda, ce mardi 13 mai 2014, de 14h00 à 17h30. Le thème principal était « Le rôle de la famille dans le renforcement de l’identité nationale[1] ». En plus du staff de Panos au Rwanda et quelques membres de l’ARFEM, les habitants du secteur Runda, les autorités locales et les agents de la Commission Nationale pour l’Unité et la Réconciliation avaient répondu à l’invitation grâce à une forte mobilisation. Parmi les panelistes, figurait un jeune parlementaire de la chambre des députés. Il s’agit de Bamporiki Edouard devenu star grâce à ses témoignages sur la réconciliation. Ce débat est le 7e qui s’inscrit dans le cadre du projet MERCIDD financé par l’Union Européenne.

L’ARFEM a présenté au public qui assistait aux débats le contexte de cette descente et le choix du thème par rapport à cette période où le Rwanda commémore pour la 20e fois le génocide Tutsi. Mme Marianne Nyirarugwiro, coordinatrice du projet au sein de l’ARFEM a expliqué que grâce à ces débats, organisés en partenariat avec Panos dans différents coins du pays, les femmes journalistes aident les citoyens à mieux comprendre les problèmes de la société rwandaise et partagent des idées pour proposer des voies de sortie.

Témoignages émouvants …

Au cours des échanges, les témoignages de deux filles ont touché les cœurs de l’assemblée. Elles ont été invitées après la concertation Panos-ARFEM avec le député Bamporiki qui connaissait déjà leur parcours. Bampire Jeanne n’avait que 4 ans pendant le génocide. Son papa a trempé dans les actes de génocide. Lors des juridictions participatives Gacaca, en 2005, Jeanne a persuadé son papa à dire la vérité sur ses actes et demander pardon. Ce qu’il a fait. Il purge sa peine de 30 ans, au lieu d’une peine à perpétuité, dans la prison centrale de Mpanga. « Je sentais de la honte à cause de mon papa… Je ne m’entendais pas avec ma voisine Jeanne Nyirabenda, rescapée du génocide…», explique cette jeune fille devant un public attentif. « Lorsque le programme des conférences et témoignages sur l’unité après le génocide a été lancé chez nous dans le district de Gisagara, en mai 2013,  par les jeunes regroupés au sein de Youth Connekt, je me suis senti délivrée, et j’ai demandé pardon au nom de mon papa », dit-elle en ajoutant qu’à ce moment là, elle s’est réconciliée avec sa voisine Nyirabenda Jeanne. Cette dernière s’est aussitôt levée pour développer la suite de ce témoignage conjoint. Orpheline et rescapée du génocide, Nyirabenda Jeanne a détaillé le récit du calvaire de sa famille en 1994, les atrocités  survécues, le viol sexuel qui lui a causé la contamination du VIH/Sida, la participation du papa de Bampire dans les tueries, sa peine de vivre avec ces douleurs après le génocide, etc. Toutefois, grâce à la sensibilisation pour la réconciliation et au courage de ceux qui ont demandé pardon au nom des leurs, elle a pardonné aux bourreaux. Ce qui a été la base d’une autre page : aider les autres jeunes à comprendre le programme « Ndi Umunyarwanda » afin de renforcer l’unité des Rwandais malgré l’histoire du génocide.   Les deux Jeannes sont « devenues des sœurs » alors qu’elles se haïssaient, comme elles le disent publiquement en se tenant les mains.

Le député Edourd Bamporiki, est souvent cité comme celui qui a initié ce processus qui permet d’échanger sur l’histoire du génocide, demander et donner pardon entre les survivants et les génocidaires afin de retisser les liens au sein de la société rwandaise.  Invité à ce débat communautaire, le parlementaire a développé le contexte de « Ndi Umunyarwanda » en incitant les hommes et les femmes présents à dire ce qu’ils en pensent, précisément par rapport aux témoignages des Jeanne. C’est dans ce cadre que différentes personnes ont pris la parole pour s’exprimer en livrant leurs propres témoignages. Deux cas ont émus le public : un génocidaire qui avait plaidé coupable devant la justice et une survivante qui  se réconcilient.

Demander et donner pardon pour se réconcilier

Il s’agit d’un habitant de Runda, qui a déjà purgé sa peine en prison et dans les TIG (travaux d’intérêt général, pour la catégorie de ceux qui ont avoué leur participation aus actes de génocide devant les tribunaux). Il a demandé pardon publiquement aux victimes du génocide et a annoncé qu’il souhaite le faire toujours. Touchée par l’humilité de ce génocidaire, une survivante du génocide a pris la parole et a déclaré qu’en son nom propre elle pardonne à cet homme qui avait pillé ses biens en 1994. Devant le député Bamporiki et toute l’assemblée, les deux habitants de Runda se sont serrés la main en signe de réconciliation. Acclamation de la population… Un très bon résultat de ce débat.

Un magazine préparé par une membre d’ARFEM sur ce programme « Ndi Umunyarwanda » a été joué pour contextualiser la situation. On y entend les points de vue du Secrétaire Exécutif de la Commission Nationale pour l’Unité et la Réconciliation, Dr Jean Baptiste Habyarimana, les habitants de Musanze dans la province du Nord et de Kayonza en province de l’Est.

En plus des témoignages émouvants, les citoyens ont posé des questions pour une meilleure compréhension dudit programme. Les autorités locales et le parlementaire « envoyé par la Présidente du parlement la chambre des députés » (comme il l’a déclaré lui-même au public) présents au débat ont loué l’organisation de cette activité.  Ce débat est le 7e qui s’inscrit dans le cadre du projet MERCIDD financé par l’Union Européenne.

 

Steven Mutangana

 

 



[1] A travers le programme récemment lancé dénommé « Ndi Umunyarwanda » (je suis Rwandais si nous traduisons littéralement) pour développer l’unité des Rwandais et la réconciliation après le génocide perpétré contre les Tutsi en 1994.